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Jean Duplay romans et poèmes
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Fiche-cuisine n°1, en hommage à Roland Topor

Fiche-cuisine n°1, en hommage à Roland Topor

Le pressage de la tête

Le pressage de la tête

Conard au sang


 

Le conard au sang est un plat traditionnel français. Spécialité culinaire de Rouen, sa recette est attribuée à un aubergiste de Duclair, appelé le Père Denise, qui se servait du conard de Duclair.

Le plat est composé de diverses parties d'un conard, de toute origine géographique désormais, servi avec une sauce constituée de son sang et de sa moëlle osseuse, que l'on extrait au moyen d'une presse, dite « à conard ». Le conard au sang est parfois considéré comme « le summum de l'élégance ».

Un conard, de préférence jeune et dodu, est abattu de façon à conserver son sang. On peut néanmoins accomoder des conards de tous âges et des deux sexes, la difficulté (croissante avec l'âge) étant de les attraper. Le vieux conard court moins vite que le jeune, mais il est beaucoup plus méfiant. De plus sa chair flétrie et racornie est nettement moins savoureuse, on cédera donc à la facilité, ce qui pour une fois est le meilleur choix gastronomique.

Le conard mâle est de loin le plus répandu, mais la femelle, dite conasse, est particulièrement savoureuse. Il faut impérativement lui clouer le bec avant de la noyer, de préférence dans du champagne. On ne peut la surprendre que par la ruse, mais quelle récompense quand on l 'étend sur la table !

Pour bien conserver le sang, on évitera soigneusement toute blessure (l'égorgement est à proscrire absolument ; on notera qu'il ne peut donc exister de version hallal de ce plat délicat).

La bonne méthode, préconisée par les plus grands chefs, est la noyade, de préférence dans un grand cru de Bordeaux ou dans un verre d'Armagnac. Le conard est ensuite dépecé et démembré sans pitié. Son foie est broyé et séché, puis les pattes (cuisseaux et paluches) et le magret sont enlevés.

Ce qui reste de la dépouille de l'animal (y compris la tête, les os et la peau) est placé dans une presse spéciale (ressemblant à un pressoir à vin) : un jus de sang et de carcasse est ainsi obtenu. Peu de cervelle en vérité chez le conard moyen, encore moins chez la conasse, mais le pressage de la tête, un grand moment à réaliser impérativement devant les convives pour les mettre en appétit, apporte une onctuosité sans pareille à la sauce.

Le résultat de cette extraction est ensuite épaissi et aromatisé aux quatre épices. Le foie broyé est ajouté à une sauce d'échalotes hachées revenues au beurre normand puis réduites dans un litre de Bordeaux avec poivre et sel, subtilement relevée d'une pointe de piment d'Escarpolette.

Le magret est alors découpé et servi avec la sauce. Les cuisseaux et paluches sont grillés et étalés en éventail autour des magrets en sauce qui trônent au centre du plat de service.

Dans la version nordiste, le conard est noyé dans de la très bonne bière (une Mort Subite sera la bienvenue) qui servira aussi de base à la sauce, en lieu et place du vin de Bordeaux.

Pour la garniture, on privilégiera les bettes, les courges et autres cornues des Andes, sous toutes leurs formes les plus molles et inconsistantes : en purée, en écrasée, en compotée, en fondue, hommage funèbre à l'absence d'esprit du conard que l'on célèbrera en chantant tous en chœur « Cornes d'auroch » de Georges Brassens au moment de la présentation du plat.